UTRB – ultra-trail de l’île Maurice (120Kms)
18h30, Briefing.
Nous sommes plus ou moins 150 réunis attendant les informations, trépidants. Les organisateurs libèrent assez vite les participants du 120 pour leur permettre de manger un peu, de préparer les sacs et tenter de se reposer. Je suis dans ma chambre vers 20h après un repas léger. Je prépare mon sac d’allégement, vérifie mon sac à dos. Tout est là. Sauf le calme. Il est 21h30, je tourne un peu en rond. Je finis par sombrer vers 23h. 0h30, le réveil sonne, je saute du lit, prend une douche, m’habille et vais prendre mon petit-déjeuner. Là, d’autres coureurs ont tous la même tête un peu chiffonnée.
1h15, vérification des sacs et du matériel obligatoire.
1h45, tous dans les minibus qui nous emmènent vers St Aubin, le lieu de départ.
2h15, nous y sommes. Ca sent l’excitation, la fatigue aussi et surtout l’envie de s’y mettre. On prend quelques photos, encode nos dossards pour le départ.
2h50, direction ligne de départ. Nous sommes là, une quarantaine, entassés dans la nuit. Devant nous, une ligne de flambeaux dessine une piste de décollage nocturne. Nous nous souhaitions « bonne course ».
5, 4, 3, 2, 1, c’est parti ! la meute s’envole vers la nuit. Très vite le groupe s’allonge et nous nous retrouvons à 2 ou 3 arpentant les champs de cannes à sucre puis montant vers les crêtes du parc de Rivière Noire. Je découvre aussi les chemins de goyaviers. Etroits, sinueux, très boueux avec des racines partout. L’allure est lente pour ne pas se blesser ou glisser. Le jour pointe vers 25 kms au sommet de Parakeet. Le spectacle est grandiose, les sommets s’entrecroisent aux gorges dans un tapis vert de goyaviers. Très vite, je sens que la notion de temps s’efface, notre rythme en général calqué sur les repas est ici totalement dépendant de la course du soleil. Sorti des gorges, je redescend vers la côte ouest. Les paysages se transforment et ressemblent à la savane africaine. Les températures aussi changent et grimpent. L’humidité de l’air nous enveloppe. J’ai presque l’impression de sentir la densité de l’air ici, la traversant par petites foulées régulières. Je traverse les salines, arrive sur la plage placide ponctuée de yachts luxueux au large (ça semble décalé). Puis je m’oriente de nouveau vers les gorges et monte à travers des propriétés où j’aperçois des biches et des singes qui se sauvent devant le sauvage multicolore que je suis.
Au briefing, on nous a dit « les montées et les descentes, c’est du droit sur la bosse ». Arrivée sur Brise-fer, c’est exactement le terme, 3 km à parcourir, plus ou moins 500 m à monter et plus d’une heure à pousser sur les jambes, s’accrocher aux arbres, se hisser aux cordes sur les rochers. Là haut, les paysages sont splendides. J’arrive doucement à la dépose du 70ième km, il est 17h30, le soleil se couche doucement. Je profite ici pour me changer, me restaurer (les organisateurs ont annoncé des ravitos 5 étoiles, un chef toqué me prépare un plat de pâtes, à chaque ravitos des petites surprises !) et surtout sécher mes pieds. Là, après 50km de sentiers boueux et de passages de gué, mes pieds commencent à être crevassés et sensibles. Avant le coucher total du soleil, je me remet en route pour avoir fini l’approche de la dernière montée avant le nuit complète. Les jambes tirent un peu mais ça repart vite et bien. J’arrive au pied de Gollum (la montée mythique ici à Maurice) dans le noir. Comme les Mauriciens me l’avaient annoncés, c’est un vrai dédale dans les goyaviers et les rochers d’une rivière asséchée. C’est très exigeant. Ca grimpe sec, il faut pousser sur les jambes, tirer sur les bras, vérifier sans cesse son chemin (quand je ne suis pas sûr, les traces de pas dans la boue confirme la bonne voie), faire tout le temps attention aux bonnes prise tant pour les pieds et les mains. La fatigue se fait sentir. En tout plus ou moins 700 m de D+ sur 4 km à progresser à 2km/H ! Au-dessus, un ravito est bien venu. Là, un des organisateurs m’encourage et me dit qu’il ne reste que quelques petites montées cool avant une dernière petite bosse, Piton Savane, puis du plus roulant sur le littoral (merci, Patrick !). Je repars gonflé à bloc. Il ne reste « que » 40 kms. Piton Savane est une petite bosse comme les précédentes : droit devant. La descente aussi mais le passage du 42 kms la rendue encore plus glissante. La fatigue générale rend celle-ci plus difficile. Les jambes tirent, les pieds sont douloureux, il faut anticiper chaque glissade. Plus bas, nous retrouvons les champs de cannes à sucre nous menant à St Aubin, notre lieu de départ. Il est 1h du mat. Nous pansons une dernière fois nos pieds, mangeons un bout et repartons confiant pour les 30 derniers (« nous » car je fais ce dernier parcours de nuit avec un coureur de la réunion). Là, la reprise est plus dure, des jambes de bois, des pieds écorchés, nous sommes fatigué après 22h de course mais sommes toujours déterminé . Je me rappelle une phrase u livre de Scott Jurek « Eat&run » :les douleurs ne sont pas toutes significatives. En effet, à partir d’ici, je devrai faire abstraction de les pieds pour avancer, sachant que les crevasses seront réparées après notre arrivée. Nous estimons notre arrivée vers 4h mais c’était sans compter les surprises du littoral. Les passages sur la plages sont encore une fois bien techniques et fort exigeants pour nos corps fatigués, je dois maintenir une attention constante à mon équilibre, à mes pieds bien posés dans ces passages de sable et de rochers. Dans certains cas, la marée haute réduit nos possibilités de passages alternatifs mais je tiens bon et ne veux pas plus me mouiller les pieds en passant les gués, surtout avec l’eau salé. Ces derniers 25 kms, nous les alternons parfois en tête, parfois en second, en fonction de nos coups de fatigue (merci, Julien). Seuls les 10 derniers kilomètres seront beaucoup moins exigeant, nous permettant d’arriver en douceur dans la lueur du soleil levant sur la plage avec, en fond, le lagon bleu et les palmiers. Il est 6h40. 27h40 d’effort continu. Je ne veux qu’une douche et mon lit. En me couchant, je me dis « plus jamais, c’est trop long ». Je me réveille 2h plus tard affamé. A table, je me dis « c’est quoi le prochain ! ».
Conseil entrainement
Des entrainements croisé sont une excellente chose. Dans mon cas, le vélo, la natation et l’escalade m’ont bien aidé. Les 2 ou 3 week-ends chocs que j’ai fais avant m’ont énormément servis afin d’apprendre au corps à gérer un effort d’endurance prononcé.
Conseil nutrition
Chacun doit adapter son alimentation à sa réalité gastrique. Il est toute fois important d’y amener une réflexion sur la qualité des aliments et une adaptation sur l’équilibre acide-base de l’alimentation : plus de fruits et de légumes, diminuer les viandes, agrémenter de fruits secs et de noix…
Conseils divers
Je fais 2-3 fois par semaine des séances d’étirements le matin au saut du lit (oui, à froid, mais très doucement). C’est excellent. Cela permet un bon équilibre du corps et une meilleure adaptation aux différents reliefs rencontrés. Recevoir des massages régulièrement est aussi excellent (dans mon cas, du shiatsu).
Il ne faut pas avoir peur du repos d’avant course. Dans mon cas, je n’ai plus rien fait 2 semaines avant et me suis reposé le mieux possible, c’était largement payant.
Pour finir, les techniques de méditation (pleine conscience, body scan, visualisation) que je pratique et enseigne m’ont énormément servi à l’attention que je portais sur mon corps et ses différents signaux et à garder mon objectif en ligne sans qu’il me semble impossible. Pour ceux qui veulent en savoir un peu plus : http://www.jesuiszen.be/
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Bravo Président !